Montage à blanc du sommier sur le fond du clavecin, pour voir comment s'agence le sommier.
Montage à blanc des autres éléments de la caisse pour identifier toutes les pièces, leur position et leur fonction.
Le positionnement du sommier sur le fond est très important car tous les autres éléments vont y être rapportés directement ou indirectement. La géométrie de l'instrument en dépend.
Si l'on dit qu'il faut mesurer deux fois pour scier une fois, là, il vaut mieux mesurer trois fois avant de coller une fois !!!
Comme le fond s'était rétréci, j'ai du aller à "The Paris Workshop" pour faire retailler de 2mm le côté joue du sommier à l'angle pour que le positionnement et la géométrie de départ soit parfaits.
Colle et 9 vis de 40mm tiennent ainsi le sommier sur le fond (ici, l'instrument est à l'envers).
Il y a onze équerres à coller d'équerre sur le fond.
Ces équerres vont supporter de petits longerons ("liner") qui vont donner la forme du haut de la caisse.
La photo n'est pas à l'envers; le clavecin est posé sur l'échine, sur mon établi !
Vue de la structure interne de la caisse.
Là il y aurait beaucoup à commenter.
Si on considère que l'effort de tension des cordes est longitudinal, celui-ci va être renvoyé, par le sommier, sur les côtés.
De ce fait, les côtés vont avoir tendance à fléchir ou a flamber. Les 11 équerres ont donc pour but de transformer le flambement des côtés en force tranversale sur le fond.
Mais comme celui-ci risquerait aussi de se gondoler, on le renforce par trois barres, perpendiculaires à l'échine, et nettement visibles sur la photo. Elles servent en quelque sorte de "raidisseurs".
L'étude et le montage de cette structure m'a fait comprendre la remarque acerbe de Franck Hubbard dans son livre "Three centuries of harpsichord making" :
"Les clavecins Ruckers sont charmants, mais leur naïveté crue est à la sophistication du clavecin italien ce qu'une horloge à coucou est au Dôme de Brunelleschi" (Traduction JPB).
Pour avoir été admirer le "Duomo" de Florence, la remarque prend tout son pesant.
Un clavecin italien, malgré sa légèreté, est comme une cathédrale gothique avec les arc-boutants à l'intérieur.
Solidité et légèreté !!!
Collage du longeron courbe.
Le cintrage du longeron courbe, supporté par les équerres, est impressionnant ! Mais le tilleul est assez flexible, et de petites encoches ont été faites dans le bois, du côté le plus courbe, pour faciliter sa courbure sans casser !
Cette technique de rentrée en force de ce longeron crée au départ un effort d'écartement de la caisse, opposé à la future tension des cordes. La caisse est donc "pré-contrainte" ; au final cela diminue la tension globale s'exerçant sur la caisse dans une proportion que l'on pourrait calculer ....
En facture franco-flamande, l'éclisse courbe, plus épaisse, est courbée préalablement à la vapeur. Elle ne présente donc plus au montage cette caractérique d'une éclisse sous contrainte. Une autre différence dans la structure des clavecins italiens.
Deux arcs-boutants volants sont collés entre les côtés gauche et droit de l'extrémité de la caisse.
Cette diposition est typique de la facture italienne ; plusieurs dispositions de ces arcs-boutants ont été observés sur des instruments historiques.
Pour "fignoler" le travail d'affleurement de tout le pourtour de la caisse sur lequel vont être collées les fines éclisses de cyprès, j'ai investi dans une wastringue, sorte de rabot à deux poignées.
C'est un instrument de précision qui permet de faire des copeaux de 0,1 mm (mesurés au palmer !), voire moins. Instrument idéal pour rectifier les joints, même en bout de planche (à la perpendiculaire du fil), et surtout raboter les courbes .....
Ce modèle est à lame droite, et une semelle convexe.
Cet outil est particulièrement adapté au dressage du longeron de l'éclisse courbe.
En effet, avant de coller l'éclisse courbe, il faut s'assurer que le longeron et le fond de l'instrument suivent la même ligne, autrement dit qu'en chaque point le fond et la règle courbe sont d'équerre.
Donc, avec la wastringue, on ajuste soit le fond, soit la règle courbe, suivant celui qui dépasse.
Travail délicat mais strictement nécessaire si l'on veut coller une planche de 5mm, qui est une surface plane et non gauche ..... et la mettre en forme concave !
Collage de la joue.
Divers serre-joints à divers endroits permettent de plaquer la joue contre le sommier.
Des clous assurent le serrage sur le fond, mais aïe ! le cyprès se fend facilement.
Fort de cette expérience, pour le reste je vais prendre des clous plus petits et faire un pré-perçage du diamètre des clous, dans le cyprès !
Vérifications à blanc.
On met en place l'éclisse courbe, la queue et l'échine, et on regarde comment s'agencent toutes les pièces, notamment aux angles....
Il y a un peu de travail pour le rabot et la wastringue, avec l'équerre comme juge !!!
Collage de l'éclisse courbe.
L'éclisse courbe est fermement pressée contre le longeron par des serre-joints en forme de U, et des coins.
Pour bien appliquer l'éclisse sur le fond, je n'ai pas lésiné sur le nombre de clous dans la courbe !
Au coin de la joue, il faut faire attention à bien faire jointer ... le joint entre la joue et l'éclisse courbe là où il est un peu livré à lui-même.
Un petit morceau de bois et un serre-joint font tout à fait l'affaire.
L'échine est plus facile à poser.
Encore qu'il faille bien s'assurer des bons angles pour la queue !
Sur son piètement gracile,
"A tempo giusto"
commence à prendre forme .
Les premières moulures, très italiennes font leur apparition sur le haut de la caisse.
A droite du clavier, un bloc de cyprès sur lequel viendra se positionner un petit lion ......
Les moulures de bas de caisse finissent bien l'instrument.
La caisse est terminée, elle n'attend plus que ses tables d'harmonie, son clavier et les décoration du haut de caisse et le frontispice, ainsi que son passage à l'huile et à la cire.
A suivre sur "Table d'harmonie".
On pose délicatement le plan sur la table d'harmonie avec les repères de collage du chevalet, pour reporter avec une pointe aiguisée l'emplacement des pointes du chevalet.
Travail de précision pour respecter la géométrie des cordes.
Après avoir pointé précisément l'emplacement des trous pour les chevilles sur le sommier à partir du plan, on perce à 3,8mm pour des chevilles de 4mm sur une profondeur de 25 mm.
On fore légèrement de biais, perceuse inclinée vers l'arrière, de telle sorte que le départ de la corde depuis la cheville soit perpendiculaire à la cheville.
Dans la moulure qui ceinture le bord de la table d'harmonie, côté éclisse courbe et pointe, on repère avec le plan l'emplacement des pointes d'accroche, et on fore à 1,6 mm, avec un long foret pour que le mandrin ne touche pas l'éclisse.
Là j'utilise une perceuse rapide entre 10 et 15000 t/mn. Peu de couple mais vitesse linéaire importante.
Perçage du chevalet, sur les marques faites précédemment.
Foret de 1mm de diamètre.
On fore sur 7mm de profondeur. Les pointes font 11mm; elles dépasseront de la couronne de 3mm.
Enfin, pour couronner le tout, on colle une moulure sur tout le pourtour de la caisse.
J'utilise toujours la technique des clous dans un morceau de carton. Mais là, les trous sont régulièrement espacés de 41mm car après, au-lieu de reboucher, on y mettra de petits clous en os, pour la décoration.
Une façon de joindre l'utile, et le nécessaire, à l'agréable.
et à droite.
Elles sont en forme de rouleau, et typiques de la tradition italienne.
Caisse terminée.
La caisse est terminée, et va bientôt quitter l'atelier "menuiserie" et monter d'un étage pour la partie musicale : cordage et harmonisation !
La planche amovible qui sert de frontispice est en cours de décoration. Après conseil de mon frère Dominique, diplômé de l'école Boulle, on penche vers une décoration en incrustation !
J'attends les feintes pour terminer le clavier !!!!