Les opérations consistent tout d'abord à régler les sautereaux en hauteur de telle manière que le bec, délicatement enfoncé dans sa languette, sois sous la corde, à une hauteur variable, de 0,5 à 2mm.

Les sautereaux sont en alisier (sorbier sauvage), un bois à grain très fin, de bonne stabilité à l'hygrométrie (important pour qu'ils ne gonflent pas et se coincent dans le registre). Ils sont livrés équipés d'une languette en peuplier, mobile autour d'un axe en laiton et rappellée par un simple fil de nylon. Autrefois, c'était une soie de sanglier !)

Ils sont plus longs qu'il ne faut. Le sautereau étant bien positionné sur sa touche, on mesure donc la hauteur du bec par rapport à la corde, et on rajoute de 0,5 à 1,5 mm pour définir la position du bec sous la corde suivant le jeu pour qu'ils ne pincent pas tous au même moment (Voir plus bas)

Une fois taillé à la bonne hauteur, trois coups de rabot sur les côtés au 3/4, à la moitié et au dernier quart de la hauteur du sautereau permettent de donnet une légère forme trapézoïdale au sautereau pour qu'en retombant il entre bien dans sa logette inférieure.

L'épaisseur du sautereau n'est pas égale non plus ; elle est de 3,3 mm en haut à 2,8mm en bas.

Ensuite, il faut tailler le bec en longeur : trop long, il va pincer la corde brutalement donnant un son trop fort, sec et riche en harmoniques, trop court il ne pince plus.

Le bec "brut" en Delrin (sorte de nylon) fait 10mm de long, en forme de triangle, et 0,5mm d'épaisseur. Un bec taillé fait de 2 à 4 mm de long.

On le taille par dessous, avec un scalpel (attention les ongles et les doigts !!) sur un petit bloc de bois dur (noyer) pour lui donner une forme de toit en pente à 45° de chaque côté, avec un biseau vers l'avant de telle manière qu'à la retombée du sautereau la corde "glisse" sur le bec et que par le poids et la languette qui s'efface, celui-ci s'écarte en arrière lui permettant ainsi de reprendre sa position initiale, en dessous de la corde.

Pour donner de la souplese au bec, et donc un son agréable, on enlève un peu de matière au milieu. Quand on pince la corde, le bec doit se courber légèrement, repoussant ainsi la corde horizontalement plutôt que de la tendre verticalement.

La difficulté est de rendre les becs égaux et d'égaliser les différentes notes d'un jeu, quoiqu'entre les basses et les aigus on puisse varier, car les cordes n'ont pas les mêmes diamètres et les énergies mises en jeu sont très différentes.

La taille du bec étant satisfaisante, je numérote le sautereau car ils ne sont pas interchangeables, et si on doit tous les enlever pour travailler sur les claviers ........ il vaut mieux savoir où les remettre.

On rajoute et on règle un petit feutre qui sert d'étouffoir et qui maintient le sautereau au repos sur la corde, laissant de ce fait un léger jeu entre le bout de la touche et le bas du sautereau.

Puis on insère le sautereau à sa place dans le registre, en vérifiant que rien ne vient frotter intempestivement dans la position "hors-jeu".

Entre la position "en-jeu" et "'hors-jeu" d'un registre, il y a 1 mm ... Tout n'est qu'une question de minutie, de toucher, d'oeil et d'oreille.

Harmoniser un clavecin, c'est mettre tous ses sens en éveil.

Enfin, pour que le clavier inférieur ne soit pas trop dur lorsque les trois jeux sont engagés et les claviers accouplés (il faudrait trois fois plus d'effort que pour un jeu simple), on règle la hauteur des sautereaux différemment d'un jeu sur l'autre, de manière à faire partir les becs les uns après les autres.

J'ai choisi de faire partir d'abord le 4 pieds (-0,5 mm en dessous de la corde), puis le 8 pieds doux du clavier inférieur (-1 mm en dessous de la corde), et enfin le 8 pieds nasard du clavier supérieur (1,5 mm en dessous de la corde).

Pour vérifier l'ordre des départs, on appuie légèrement et progressivement sur la touche, en maîtrisant bien son geste, et on regarde comment pincent les différents becs les uns après les autres.

Si un sautereau est trop haut, un coup de lime le raccourcira de 0,1 ou 0,2 mm ; s'il est trop bas, je colle un petit bout de bristol sous le sautereau et il gagne aussitôt 0,15 mm de hauteur !

Ainsi l'ensemble est doux au toucher et dans le jeu l'oreille ne s'aperçoit pas de ces décalages qui sont de l'orde du 1/100 de seconde !